samedi 20 février 2010

viens voir les comédiens # 11




Le nouveau "scandale" du théâtre public : "un tramway" de Krzysztof Warlikowski avec, notamment,  Isabelle Huppert, Andrzej Chyra, Yann Colette et Renate Jett... Ce que j'ai vu hier soir tient certainement plus de l'art contemporain que du théâtre proprement dit... "Warli" signe ici une de ses créations les plus théoriques, les plus cérébrales... Comme Arman ou Luciano Berio, il a détruit la pièce désuette (comme pratiquement tout le théâtre de Tennessee Williams) pour n'en conserver que l'essence et finalement l'esprit. Il commente chaque scène en en soulignant ce qui la relie à la Tragédie. Finalement, il me semble que c'est également ce qu'il fit avec "Angels..." il y a quelques années... "Warli" ne se contente pas de raconter une histoire. Il prend le théâtre comme une succession de situations, de mécanismes qui sont autant de mystères dont il offre une proposition de représentation hardie et qui convainc (ou pas) selon les sensibilités de chacun... Il serait ridicule de prétendre que l'ombre de Kazan/Brando ne flotte pas sur cette création... On a tous en mémoire la silhouette brisée de Vivan Leigh et la spirale qui l'entraine inexorablement vers l'enfer de la folie... Huppert colle au projet jusqu'au malaise. Elle apporte sa froideur et sa technique irréprochable à la vision de "Warli"... Toute psychologie est gommée, pas de pathos... Il ne reste pas "quelque chose de Tennessee" dans cette version du "Tramway"... Pourtant, on s'y retrouve, le récit est respecté et, là les avis sont partagés, l'émotion parvient à nous toucher... Surtout via l'utilisation unique de la vidéo et du micro... On peut également tiquer sur les ajouts de textes et chansons... Il n'empêche qu'on assiste à un spectacle courageux et sans doute austère... Alors oui, le public venu retrouver les espaces confinés et le tshirt déchiré de Brando en sont pour leurs frais... Je suis de ceux qui trouvent que "Warli" était autrement plus pertinent avec "A(p)polonia" mais assister à ce "Tramway" est une expérience unique et passionnante... Certainement plus passionnant que bouleversant, cette proposition théâtrale (avec celles de Pommerat, Delbono et quelques autres fous furieux) éclaire cette saison et cette société tellement grise... En résumé, ce "Tramway" est certainement un "autoportrait de l'artiste en actrice de génie" avec tout ce que ça implique de prétention, de suffisance et d'obscurité. A vous de voir.

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3 commentaires:

Sébastien Paul Lucien a dit…

Je salue votre courage... pour assister à ça.
Désuette la pièce de Tennessee?
je ne le crois pas un instant. C'est cette "adaptation" qui une fois passé le pseudo scandale parisien tombera dans la plus parfaite désuétude.

Pas de psychologie pas de pathos...quelque chose d'humain d alors dans ce théâtre?

Huppert cette escroquerie faite actrice uniquement capable de jouer de sa froideur et de gueuler. Faut qu'elle change de registre un peu. Avec sa perruque on dirait Madonna dansant dur de l'Amanda Lear. Les trois se rejoignent du reste dans l'imposture et le périmé réchauffé.

Enfin je n'ai pas vu cette experimentation Warlikovskienne donc je vous laisse seul juge e veux croire que l'ensemble vaut la peine de débourser ses euros.

Mais les extraits vidéos, (le théâtre filmé c'est toujours insupportable et ça tue tout charme), portent tort à ce qui vous a paru digne d'intérêt.

En tout cas merci pour la critique!

pepito a dit…

tennesse williams est à mes yeux le théâtre des années 50 dans ce qu'il a de plus daté... il était le véhicule parfait pour les mises en scène à acteurs de l'époque... sauf que ces acteurs sont tous morts et que chaque fois que quelqu'un s'est attaqué à ce répertoire s'est généralement limité à reproduire les films qui en ont été tirés (le tramway, la chatte, la ménagerie de verre... ). à tel point qu'il n'a pratiquement jamais été monté dans le théâtre public depuis trente ans... lavaudant a tenté de relancer la machine la saison dernière avec "la nuit de l'iguane" mais la psychologie lourdaude de l'époque ne passe plus... c'est peut être le travers du théâtre français mais c'est celui que je connais le mieux... quand je vais en voir des mises en scène à londres, j'ai un peu de mal... mais ça me permet de voir des acteurs formidables (jessica lange, il y a deux ans)... c'est le rapport au texte qui est différent... c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la pièce s'intitule "un tramway"... parce que les ayant droit de williams exigent que le texte soit respecté à la virgule près...

pepito a dit…

après, ce n'est que mon humble avis qui n'engage que moi. Après tout, n'est-ce pas l'intérêt du théâtre que d'être désuet ? N'est-il pas fait pour ne vivre que dans la mémoire du spectateur ? quant au travail de Warlikowski, il fait partie de ceux qui pointent du doigt le vieillissement des textes contemporain dont on oublie facilement qu'ils sont souvent écrits dans un contexte qui n'est plus d'actualité. Son travail et celui de quelques autres créateurs vont donner du fil à retordre à Patrice Chéreau, par exemple, qui revient à la mise en scène dans quelques mois et dont le génie s'est mis en veille depuis une dizaine d'années. Le théâtre ne l'a pas attendu et ce n'est pas une question de mode. Le rapport au public a évolué. Alors, effectivement, on peut préférer le théâtre frontal à l'ancienne du théâtre privé. Personnellement, je m'y ennuie très vite en dépit des réels talents qui s'y expriment. Sans doute est-ce dû aux expériences auxquelles j'ai été confronté dès l'enfance. Peter Brook, Pina Bausch, Patrice Chéreau ont été mes références depuis les années 70... Du coup, des artistes comme Jean-Laurent Cochet me semblent maintenir le théâtre dans un état de délabrement qui n'a pas lieu d'être... Je ne dis pas que c'est "mauvais", je pense juste qu'ils ne vont dans le sens de l'histoire. Vilar lui même en son temps a été aussi révolutionnaire que Warlikowski.